• THEME 1

     

     

    THÈME 1 : DE L’AMBITION POUR L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

     

     Sous l’impulsion de l’OCDE, les politiques libérales imposées par l’Europe transforment profondément les systèmes éducatifs des états membres. « L’économie de la connaissance » se met en place modifiant durablement les notions d’éducation et de formation qui deviennent des marchandises soumises aux lois du marché. Cette marchandisation modifie non seulement la formation continue des salarié-es, mais transforme l’ensemble du système éducatif. L’école est sommée de se rapprocher de l’entreprise, de ses finalités et de ses besoins. L’individu est contraint de développer son « capital humain » afin d’assurer son employabilité et ceci tout au long de sa vie.

     Dans le contexte économique, à l’heure où la crise financière a montré qu’il était urgent de proposer une alternative à cette politique ultralibérale, le gouvernement Sarkozy continue à démanteler l’Éducation nationale. L’Enseignement Professionnel (EP) n’y échappe pas avec la mise en place de la contre-réforme du Bac Pro en 3 ans et la mise en concurrence progressive des différentes voies de qualification (scolaire, apprentissage et professionnalisation). Pour nous, l’éducation et la formation sont des leviers essentiels pour construire une société plus juste. Elles doivent être au cœur du pacte républicain en développant égalité et fraternité indispensables à l’exercice de la liberté pour tou-tes les citoyen-nes. L’école publique et laïque est la seule susceptible de remplir cette mission en tentant de contrecarrer réellement les inégalités et les déterminismes sociaux.

     L’EP est étroitement lié aux représentations des métiers dans notre société. Dans ce domaine, les politiques libérales n’apporteront aucune évolution positive, sur le plan des conditions de travail et des salaires. Il y a donc urgence à valoriser les emplois de niveau de qualification V et IV tant en terme d’image que des salaires. Nous devons continuer à participer à la réhabilitation de tous ces métiers y compris dans l’Education Nationale en nous attaquant au clivage entre travail manuel et travail intellectuel afin de faire évoluer positivement ces représentations. L’EP doit continuer à participer à l’élévation globale du niveau de qualification.

     À l’opposé de la politique actuelle qui tend à cantonner une grande partie de la jeunesse à une scolarité minimaliste centrée sur le socle commun en organisant à tous les niveaux du système éducatif un tri social, il doit permettre à 100 % d’une classe d’âge d’atteindre au minimum le niveau V, tout en continuant à faire progresser le nombre de poursuites d’études aux niveaux IV et III.

     Porter la scolarité obligatoire à 18 ans dans le cadre du service public d’éducation nécessite d’aborder autrement les missions, les contenus, l’organisation des différents cycles du second degré (collège, les 3 voies du lycée et leurs prolongements dans le supérieur). Dans ce cadre, la mission d’un service public d’orientation de l’éducation nationale doit être confortée, en lien avec la Formation Tout au Long de la Vie (FTLV). Pour cela, le SNUEP-FSU doit conforter certains de ses mandats et en construire de nouveaux, pour lui permettre de proposer un projet alternatif et ambitieux pour les jeunes qui ont intégré la voie professionnelle.

     

     I. SAVOIR POUR TOUS: QUELS CONTENUS POUR L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL?

     

     I.1. Savoir : enjeu de société

     L’évolution du monde et des métiers demande une maîtrise des savoirs de plus en plus complexe. Mais la question de l’accès et de la démocratisation du savoir ne doit pas être cantonnée à la seule question de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes. L’enseignement professionnel ne doit pas perdre de vue sa mission d’éducation et de formation globale qui doit prendre en compte : l’Homme, le citoyen et le salarié. De plus, certains comportements valorisés par les medias ne mettent pas forcément en avant les valeurs qui faciliteraient l’acquisition des savoirs par bon nombre de nos élèves. Cette maîtrise des savoirs doit passer par une formation initiale solide seule à même de permettre un accès effectif à la formation continuée tout au long de la vie. Ce n’est malheureusement pas l’objectif visé par la politique mise en œuvre actuellement.

     

    I.2. Savoir et politiques libérales

     

    I.2.1. Savoir, savoir-faire et compétences

    Depuis la loi Fillon de 2005, le cadre européen impose aux systèmes éducatifs une nouvelle définition des contenus d’enseignement qui privilégie l’acquisition et l’évaluation de compétences minimalistes à travers la mise en place du socle commun. Ce renforcement de la conception utilitariste et normative de l’école dénature totalement les disciplines qui, dans l’idéal, devraient viser à l’acquisition d’un savoir indispensable au développement de l’esprit critique. 

     

     I.2.2. Socle commun et livret de compétences

    Dans cette logique, il est à craindre que le socle commun devienne le niveau maximum à atteindre pour beaucoup d’élèves. Il entérine le renoncement à la démocratisation scolaire ainsi que le renoncement à l’acquisition d’un savoir ambitieux pour tous et modifie le contenu des enseignements dispensés aux lycées. 

    Le livret de compétences, aux contours flous et difficiles à appréhender, fait peser de graves menaces à la fois sur les contenus, sur la valeur et la reconnaissance des diplômes mais aussi sur les pratiques professionnelles des enseignants. Ainsi, il génère des pressions, une charge de travail supplémentaire et une dégradation de la qualité de l’enseignement. De plus, certaines compétences ne correspondent à aucun savoir acquis dans l’École et ne figurent sur le livret que pour encourager et évaluer un comportement acquis en grande partie en dehors de l’institution comme les compétences 6 et 7, où il est question de la note de vie scolaire, de l'aptitude à s'investir dans un projet. Si dans l'absolu, ces qualités sont à encourager et à développer, comment et surtout pourquoi les évaluer ? Que veut-on mesurer ? 

    Les enseignants n’ont pas vocation à mesurer l’aptitude à l’obéissance  

    Comment peut-on faire acquérir des savoirs et savoir-faire exigeants à des élèves qui n’ont pas tous le même rapport au savoir et qui sont, pour ce qui est de l’enseignement professionnel, les élèves les plus éloignés de la culture scolaire ? La « réforme » de la voie professionnelle évacue complètement cette question. Elle transforme profondément les programmes et contenus, axant les pratiques pédagogiques sur « l’approche par compétences » ou par « capacités », en évacuant de fait la question de l’acquisition de savoirs ambitieux nécessaires à une formation professionnelle de qualité. Il s’ensuit un saucissonnage absurde des apprentissages qui enferme les élèves dans des micro-tâches techniques et déconnectées du sens global qui risque de les exclure de poursuite d’études, notamment en BTS. 

     

     I.2.3. Bac pro 3 ans  

    I.2.3.1. La généralisation du Bac Pro en 3 ans est un recul de la qualité de l’enseignement dispensé en LP

    Avec une année d’études en moins, l’introduction de l’Accompagnement personnalisé et des PFMP plus longues, (22 semaines sur les 106 semaines de formation), tous les enseignements sont réduits, ce qui diminuera les chances de poursuite d’études dans des conditions favorables. Avec la suppression du cycle BEP, la passerelle vers les filières technologiques disparaît, ainsi que tout un travail de remédiation. Le cycle Bac Pro en 3 ans fragilise le modèle d’enseignement professionnel, tendant à le rapprocher de celui de l’apprentissage. Cette « réforme » brise les équilibres historiques établis entre l’enseignement professionnel et l’enseignement général. De plus, la perte d’une année d’études en Bac Pro et la diminution du volume des horaires des disciplines générales et professionnelles, ont pour conséquence de centrer davantage la formation sur l’apprentissage des gestes professionnels en limitant les savoirs enseignés dans le seul objectif d’une employabilité immédiate.

    De plus, cette reforme tend à faire disparaitre certaines disciplines comme la construction ou la gestion en les diluant dans d’autres disciplines de l’enseignement professionnel.

    La généralisation du Bac pro 3 ans, avec l’augmentation des PFMP, montre la volonté de transformer la formation initiale sous statut scolaire en formation initiale par alternance. La durée des PFMP, 22 semaines, est trop longue : il y a saturation et le tissu économique ne le permet pas toujours. De plus, cela réduit le temps pour les enseignements.

    De plus, certains terrains de stages ne permettent pas à tous les élèves d'acquérir dans de bonnes conditions les compétences exigées par les référentiels. Ceci contribue aussi à la dégradation de la formation.

    Enfin, les élèves directement issus de 3ème et devant effectuer rapidement une PFMP sont bien souvent trop jeunes au regard des législations et des activités professionnelles censées y être enseignées et évaluées. 

    La diminution du volume horaire octroyé pour les dédoublements, couplée à l'augmentation du nombre d'élèves par classe ont considérablement remis en question la prise en charge individuelle des élèves, défavorisant les catégories les plus fragiles pour lesquelles l’accompagnement personnalisé n’apportera pas de réelle solution.  

    De plus, pour les premières cohortes, nous constatons une déperdition d’élèves plus importante qu’avec le cursus en 4 ans ce qui multiplie les sorties sans qualifications.

     I.2.3.2. Diplômes, certification et évaluation

    Pour améliorer artificiellement les résultats, le ministère a imposé sans aucune concertation préalable la généralisation des CCF qui font peser de graves menaces à la fois sur les pratiques professionnelles des enseignants et sur les contenus, c'est-à-dire sur la valeur et la reconnaissance des diplômes. Quasiment toutes les disciplines, tous les niveaux de formations et tous les diplômes sont maintenant concernés. La mise en oeuvre concrète du CCF varie toujours selon les disciplines, les formations, les académies, les établissements. De surcroît, le CCF se déroulant pendant la formation, il diminue le temps accordé aux enseignements.

    L’extension du CCF accroît encore les distorsions entre les exigences des référentiels et le contenu réellement étudié. Il permet des certifications de plus en plus déconnectées de la globalité des programmes d’enseignement. Il entraîne aussi une augmentation importante des tâches administratives et pose des problèmes d’organisation. Il sert également d’instrument de validation des projets académiques et d’établissement au lieu de permettre la reconnaissance de réelle qualification par les branches professionnelles.

    Quand le formateur est l’examinateur : plus d’anonymat. Avec le CCF l’évaluation ne porte que sur une partie du référentiel, sans mutualisation des sujets, ni harmonisation nationale à la différence de l’examen terminal. Pour le SNUEP-FSU, un diplôme qui atteste d’une qualification professionnelle ne consiste pas en une somme de compétences évaluées successivement au cours de la scolarité mais, en la capacité, à la fin de la formation, d’utiliser tout ou partie de ces compétences pour réaliser une oeuvre type de la profession.

    Si le diplôme reste théoriquement national, sa valeur concrète n’en sera plus que locale : l’apparente et rassurante régularité des évaluations en CCF, initiées par les CFA et plébiscitées par les élèves et les familles, se révèleront trompeuses et masqueront mal les inégalités de territoire. Ainsi, à partir de la session 2012, le Bac Pro deviendra un diplôme « maison » décerné par le biais d’examens locaux. Le caractère national d’un examen ne peut être sacrifié au nom d’une logique comptable.

     I.2.3.3. Certification intermédiaire

    La réforme du Bac Pro 3 ans entérine la mort de la formation BEP et impose aux élèves le passage d’une certification intermédiaire (BEP rénové ou CAP) en lieu et place d’un diplôme national et ce dès 2011. Cette certification est avant tout conçue pour permettre au ministère d’afficher un taux de réussite supérieur au niveau V. Mise en œuvre pendant les heures de cours, elle participe aussi à la perte d'heures de formation dans le niveau Bac Pro. Ainsi, le gouvernement instaure une déqualification de tout un pan de la jeunesse, en substituant à un vrai diplôme national de qualification professionnelle une simple validation par CCF de quelques taches professionnelles. Au lieu de résoudre les questions du décrochage scolaire et du nombre d’élèves sortant du système éducatif sans qualification pour les élèves les plus fragiles, elle risque de détourner en partie des élèves de la poursuite d’études en Bac Pro.  

     I.2.3.4. Épreuve de contrôle

    La note de service, parue au BO du 6 mai 2010 démontre une fois de plus la volonté du ministère d’imposer une épreuve de rattrapage inadaptée au niveau du Baccalauréat Professionnel. L’épreuve de rattrapage contribue à augmenter artificiellement le taux de réussite au bac : avec une progression de 10 points, la session 2009 voyait passer la réussite à 87 %. Le SNUEP-FSU réaffirme que ces résultats artificiels masquent les effets d’une mauvaise réforme.

     I.3. Des savoirs et une exigence de culture pour tous : quels contenus ? quels savoirs ?

    Le SNUEP-FSU réclame une véritable réflexion sur ce qui doit être enseigné et défend un projet de culture commune qui intègre la culture technologique et professionnelle avec des programmes construits en complémentarité. Les savoirs enseignés doivent contribuer à l’acquisition d’une culture commune et doivent aussi construire des ponts entre les références culturelles des élèves et la culture scolaire. Au regard de l'expérience réalisée, l'application des programmes des nouveaux référentiels montre un décalage de plus en plus flagrant entre les enseignements professionnels des élèves et les enseignements généraux. Il devient difficile d'établir des connexions entre ces deux aspects du baccalauréat professionnel. A l'évidence, la volonté d'aligner les programmes rénovés sur ceux du lycée général afin d'engendrer des passerelles, a fait perdre la liaison essentielle entre ces deux piliers de l'enseignement professionnel public. Cette spécificité doit être maintenue. Savoir professionnel et savoir général ambitieux doivent être mieux articulés.

    Renoncer au déterminisme social et croire en l’éducabilité de tous suppose de savoir identifier ce qui peut faire obstacle aux apprentissages chez les élèves pour mieux anticiper la difficulté. Il faut donc interroger le cœur des activités scolaires et mettre en lumière les mécanismes conduisant progressivement au décrochage. Si la réduction des effectifs par classe est une nécessité, elle n’est pas une condition suffisante. La confrontation à la difficulté fait partie intégrante de l’apprentissage ; il faut se garder d’enfermer les élèves dans une parcellisation de tâches et de démarches mécaniques ou de renoncer à les confronter à des objets d’études complexes, au prétexte qu’ils ne maîtriseraient pas des « fondamentaux ». La recherche montre d’ailleurs que les difficultés des élèves ne sont pas liées au volume des enseignements, mais à leur capacité d’assimilation.

    La stricte évaluation de compétences, dont les résultats seront enregistrés dans un livret que l'on imagine devoir conserver toute sa vie, s'inscrit dans l'idée plus vaste de la FTLV. Elle se développe au fur et à mesure que les droits et les conditions de travail des salarié-es se dégradent. Si les adultes doivent être formés pour suivre l’évolution rapide des techniques, cela ne peut se faire qu’à la condition d’avoir eu une formation initiale de qualité.

    Le SNUEP-FSU conteste l'application de ces idées à nos élèves, qui ont besoin non pas d'une formation, mais d'un enseignement qui leur donne les savoirs nécessaires pour évoluer dans la vie et dans la société. Cet enseignement requiert des moyens importants, il doit être le même sur tout le territoire, et pour cela, il doit surtout être sanctionné par des diplômes nationaux en liaison avec une grille salariale.

    Le SNUEP-FSU demande :

    - un enseignement professionnel construit sur les bases d’un enseignement disciplinaire qui s’appuie sur des grilles horaires nationales pour l’ensemble des disciplines.

    - le retour à un enseignement général qui soit en lien avec les enseignements professionnels. L'objectif du ministère de faire émerger des structures communes entre lycée général et professionnel semble évident. Cette transformation n’a pour finalité que de rationaliser une fois de plus les moyens d’enseignements (Ex : regroupement d’élèves des voies générale, technique et professionnel par compétences en langues). 

    Il propose, par ailleurs le développement de l’enseignement de la philosophie pour tous les élèves de terminale Bac Pro, par des PLP spécialement recrutés et formés. 

    Pour ce qui est de l’évaluation des diplômes de l’enseignement professionnel, le SNUEP-FSU revendique : 

    - l’abrogation du CCF, 

    - la redéfinition de l’évaluation qui doit valider les savoirs techniques propres aux matières professionnelles, non plus comme une somme d’examens ponctuels pendant la formation, mais comme la garantie que les élèves maîtrisent les compétences nécessaires à l’exercice de leur futur métier,

    - Le retour à des diplômes nationaux qui passent par un cadrage national et par des épreuves ponctuelles anonymes en fin de cycle (CAP, BEP, Bac Pro), 

    - la reconnaissance de ces diplômes par les conventions collectives,

    - le retour à l’évaluation des langues intégrée aux diplômes,

    - la mise en place d’une réelle épreuve de rattrapage à l’image de celle des baccalauréats généraux et technologiques. Le SNUEP-FSU s’oppose à l’épreuve de rattrapage des évaluations en CCF. 

    Pour le SNUEP-FSU, les stages en milieu professionnel ne doivent pas être considérés comme des moments de formation à part entière mais comme une découverte de l’entreprise et une mise en pratique des savoirs et savoir-faire enseignés en LP.

    Le SNUEP-FSU revendique une réduction importante du nombre de semaines en milieu professionnel qui doivent être des périodes d’application et non des périodes de formation évaluative. Dans ce cadre, le SNUEP-FSU revendique pour la formation BEP une durée de 4 semaines sur l’ensemble du cycle en 2 ans et pour la formation baccalauréat professionnel et CAP une durée de 8 semaines sur le cycle de 2 ans.

    Dans les années à venir, le SNUEP-FSU devra investir pleinement les groupes de travail sur les CPC en liaison avec le SNES. Ce travail commencé reste à développer et à conforter afin de permettre une analyse plus pointue des contenus de formation professionnelle. Parallèlement, il développera un groupe de travail spécifique sur les contenus de l’enseignement général pour analyser les évolutions récentes, faire des propositions alternatives afin de doter l’enseignement professionnel de programmes et de contenus ambitieux. 

    ZOOM

    FUSION DES BACCALAUREATS PROFESSIONNELS DU TERTIAIRE ADMINISTRATIF

    Depuis quelques mois il est fortement question de fusionner, dès la rentrée 2012, les baccalauréats professionnels
    « Secrétariat » et « Comptabilité » pour n’en faire qu’un à vocation administrative. Ce regroupement impliquerait une diminution importante des horaires et contenus accordés par les référentiels actuels à la comptabilité au profit de ce qui s’appellerait de la gestion administrative.

    La redéfinition de ces diplômes aurait pour but, selon le gouvernement, d’accroître l’employabilité des jeunes. Mais, sans se leurrer, le SNUEP-FSU dénonce le fait que cela ne cache encore en réalité qu’un souci d’économie budgétaire.

    On constate portant qu’un grand nombre d’élèves de collège souhaitent faire de la comptabilité, à l’issue de la classe de 3ème, même si, parfois, cette envie n’est due qu’à une difficulté à choisir une autre voie. Une orientation en bac administratif sera moins attrayante à leurs yeux.

    Ce dont les élèves ont besoin, c’est d’une formation complète, leur permettant à la fois de s’insérer dans la vie professionnelle, mais aussi de pouvoir poursuivre leurs études ! Au lieu de vider le contenu des référentiels, le SNUEP-FSU considère qu’il est nécessaire de mettre en place de meilleures formations. En effet, quelles sont les chances pour des élèves d’intégrer un BTS après un Bac Professionnel avec une formation a minima ? Jusqu’à présent, certains d’entre eux accédaient à des formations Bac + 2. La qualité des enseignements professionnels reçus en Bac Pro était une plus value pour ces élèves. Quand cette formation sera réduite à néant, les élèves ne pourront plus suivre en BTS, et le diplôme dont ils seront titulaires, le Bac Pro, sera totalement dévalorisé aux yeux des entreprises.

    C’est pourquoi le SNUEP-FSU s’oppose fermement à la fusion des Baccalauréats Professionnels « Secrétariat » et « Comptabilité » et revendique clairement le maintien de deux voies distinctes de formation dans le secteur tertiaire administratif.

    Plus globalement, le SNUEP-FSU réaffirme son attachement à un baccalauréat professionnel clairement identifié à un métier et s’oppose à toute transformation des RAP qui iraient dans le sens d’une substitution de la formation à un métier par de la formation à un champ professionnel.

     

    II. PARCOURS DE RÉUSSITE PERSONNELLE ET PROFESSIONNELLE

    II.1. Relancer la démocratisation, élever les qualifications

    L’évolution générale des connaissances, l’élévation constante du niveau de technicité des emplois, les profondes mutations dans le monde du travail rendent indispensable l’élévation des qualifications de tous.

    Pour que la voie professionnelle initiale et sous statut scolaire soit réellement valorisante et aussi reconnue que toutes les autres voies de formation (filières générale et technologique, mais aussi apprentissage et formations professionnelles qualifiantes), il convient de repenser son architecture globale. A l’opposé de la conception actuelle de l’individualisation des parcours, dictée par les économies budgétaires et qui tend à organiser le tri des élèves à l’entrée de la 2nde professionnelle, le SNUEP-FSU doit être en mesure de proposer des parcours pour permettre à tous les jeunes de réussir dans cette voie.

    Cette réussite passe par l’obtention d’un premier niveau de qualification qui permet de réelles poursuites d’études. L’articulation collège-LP doit être considérée comme l’un des points importants permettant la défense de la voie professionnelle initiale sous statut scolaire, en tenant compte, notamment, de la place qu’il faut continuer à donner aux sections de 3ème à option professionnelle (DP6 ou autre). De plus, un travail d’information et de mutualisation doit être mené en amont, auprès des collègues, des parents et des élèves de collège, pour que la voie professionnelle ne soit plus considérée et « utilisée » comme une voie de relégation, y compris par l’institution.

    Ce point ne saurait masquer les problèmes liés à la cohérence des filières du CAP au Bac Pro : quelle place doit-on donner au CAP ? Quel type d’architecture nous semble nécessaire pour la préparation du Baccalauréat Professionnel ? Doit-on développer les sections de préparation au BTS en LP ?

    Enfin, la voie professionnelle doit être ouverte sur les autres voies du lycée. Les LP doivent se doter de réelles passerelles et également de structures d’accueil, comme des sections de CAP en un an pour les élèves issus d’autres voies. Elle doit proposer des mentions complémentaires adaptées  

     II.2. Une politique de casse de l’enseignement professionnel

    Dans les politiques éducatives menées en France depuis plusieurs années, l’Éducation n’est plus considérée comme un investissement pour l’avenir, mais comme une charge dont le gouvernement veut se délester sur les collectivités territoriales (régions et/ou départements) et les entreprises. Nous assistons à une mise en concurrence effrénée des acteurs de la formation (public et privé), la voie professionnelle n’y échappe pas. Aujourd’hui, la voie scolaire n’est plus la seule voie d’accès au diplôme. D’autres parcours existent et se développent dans le cadre de ce qui est appelé la « Formation Tout au Long de la Vie ». Ainsi, au nom des « économies », le gouvernement propose de plus en plus d’alternatives à l’enseignement professionnel sous statut scolaire, en détruisant ce qui a fait sa valeur et sa cohérence. La double dévalorisation, temps de formation et valeur du diplôme, permet non seulement de faire des économies de personnels, mais aussi d’envisager une baisse conséquente des demandes d’orientation vers les formations sous statut scolaire, afin de permettre le développement des contrats d’alternance. D’autres économies semblent donc également prévisibles par réduction de la carte des formations, fermeture de sections entières, voire d’établissements.

    Enfin, d’autres méthodes sont envisagées depuis quelque temps pour optimiser les moyens, celles du mixage des publics ou du mixage des parcours (scolaire puis contrat d’alternance). Il s’agit de regrouper, dans une même classe, des élèves ayant des statuts divers (scolaires, apprentis, formation continue…), des niveaux différents et des formations différentes. Loin de toute préoccupation pédagogique, il s’agit là essentiellement d’optimiser la productivité des quelques enseignant-es dont les salaires resteront à la charge de l’État. C’est en partie pour cela que le SNUEP-FSU s’oppose au concept réducteur du lycée des métiers qui n’a d’autre but que de donner une structure pérenne à ces divers types de formations, tout en réduisant l’offre de formation sous statut scolaire. 

    II.3. Quels parcours pour réussir ?

    II.3.1. Réaffirmer la place primordiale de l’enseignement professionnel public

    Il y a un enjeu réel à conforter la formation sous statut scolaire dans les LP car elle offre les meilleures conditions de réussite pour les jeunes. 

    Tous les élèves sont capables de réussir à l’école, au collège et dans une formation (générale, technologique ou professionnelle) du lycée. Sans ce parcours complet on sait qu’un jeune a très peu de chances de s’insérer durablement dans l’emploi qualifié, et tout simplement dans une vie de citoyen.

    Afin de garantir à chacun-e la possibilité d’accéder à un métier réellement choisi et à une vie citoyenne épanouie, le SNUEP-FSU s’est toujours prononcé pour une offre de formation variée dans les LP contribuant à l’aménagement du territoire. Il ne saurait considérer que l’apprentissage soit une alternative crédible aux formations dispensées en LP. L’apprentissage comme outil de remédiation pour les élèves en grande difficulté est un leurre, le nombre d’élèves ne menant pas leur formation à terme étant plus élevé que dans la voie initiale publique.

    Cette voie de formation professionnelle (en particulier aux niveaux IV et V) ne permet pas de construire des bases suffisamment solides pour permettre d’obtenir un diplôme, d’évoluer professionnellement et de bénéficier pleinement de la formation continue.

     II.3.2. Les parcours dans l’enseignement professionnel 

    Tous les parcours proposés aux élèves de la voie professionnelle doivent avoir comme double objectif de leur donner le niveau de qualification voulu afin de les préparer à une insertion durable dans l’emploi et de leur permettre une poursuite d’études à un niveau supérieur dans le cadre de leur formation initiale. En cela, la voie professionnelle doit continuer à participer activement à l’élévation du niveau de qualification globale des jeunes et permettre des poursuites d’études dans l’enseignement supérieur, participant ainsi à sa démocratisation.

    Parce qu’il ne répond en rien à ces objectifs, le SNUEP-FSU continue à exiger l’abrogation de la réforme de la voie professionnelle et la réinstauration de réels parcours en 4 ans passant par une formation au BEP en 2 ans.

    II.3.2.1. Place du certificat d’aptitude professionnelle : le CAP

    Ce diplôme de niveau V donne à son titulaire une qualification d’ouvrier ou d’employé qualifié. Le SNUEP-FSU réaffirme son attachement à ce diplôme, reconnu par certaines branches professionnelles comme premier niveau de qualification, dispensant notamment un savoir-faire pratique important permettant dans certains secteurs une insertion professionnelle immédiate mais aussi une poursuite d’études. Il se prépare principalement en deux ans après la 3ème. Cependant le SNUEP-FSU demande à ce qu’il puisse se préparer en 3 ans pour les élèves les plus fragiles, notamment pour les élèves issus des classes de SEGPA. Le SNUEP-FSU refuse l’obtention du CAP par le biais d’une certification intermédiaire pour éviter toute dévalorisation de ce diplôme. L’offre de formation en CAP doit être équilibrée et diverse sur l’ensemble du territoire. Elle doit être maintenue en lycée professionnel et implantée en complémentarité avec les autres formations diplômantes de niveau V et IV.

    Dans l’objectif d’une élévation de qualification pour un plus grand nombre d’élèves, le déploiement et l’offre globale des CAP (scolaire et apprentissage) doivent être contrôlés par l’EN afin d’éviter un surdimensionnement de cette offre qui irait à l’encontre de cet objectif. En cela, si le CAP doit rester un moyen d’accéder au niveau V, pour un nombre limité d’élèves, il ne doit pas se substituer au BEP.  

    II.3.2.2. Place du brevet d’études professionnelles : le BEP

    Autre diplôme de niveau V, le BEP doit permettre une insertion professionnelle dans un emploi d’ouvrier ou d’employé qualifié, mais il vise principalement une poursuite d’études en baccalauréat professionnel ou en baccalauréat technologique. Le SNUEP-FSU revendique qu’une majorité des élèves le prépare en deux ans après la 3ème dans le cadre d’un parcours BEP, Bac Pro en 4 ans. Ce diplôme doit être exigé pour l’accès à toutes formations de niveau IV.  

     II.3.2.3. Place du Baccalauréat professionnel : le Bac Pro

    Le baccalauréat professionnel, diplôme de niveau IV, sanctionne une formation à un niveau intermédiaire entre les emplois d’ouvrier et d’employé qualifié et de technicien supérieur. Ses titulaires sont ouvriers, techniciens d’atelier et employés hautement qualifiés aux compétences techniques élargies et ayant acquis des méthodes de travail modernes et une bonne culture générale.
    Actuellement, ce diplôme se prépare essentiellement en 3 ans à partir de la 3ème. Même si le gouvernement prétend qu’il peut aussi se préparer en 2 ans après l’obtention d’un CAP, la réalité est toute autre. 

    Le SNUEP-FSU réaffirme le fait que le baccalauréat professionnel doit permettre, pour les élèves qui le désirent, une poursuite d’études dans l’enseignement supérieur et notamment dans les sections de technicien supérieur. 

    Le SNUEP-FSU considère que le baccalauréat en 3 ans ne permet pas de former nos élèves et ne répond pas aux exigences des entreprises (problème de maturité, de majorité…). 

    Si le parcours en 3 ans vers le Baccalauréat Professionnel peut exceptionnellement se comprendre pour quelques élèves, il ne peut être la norme, ni rester en l’état mais doit demeurer l’exception. Le point central de l’architecture de la voie professionnelle doit être le BEP, préparé en deux ans, et validé par un diplôme national passé à l’occasion d’un examen ponctuel terminal. 

     II.3.2.4. Parcours et passerelles 

    Le SNUEP-FSU dénonce l’abandon des passerelles vers la voie générale et technologique. Il demande la création de classes de 1ères d’adaptation dans ces filières permettant l’accueil d’élèves de la voie professionnelle. Le SNUEP-FSU constate que l’écart entre le CAP et la 1ère Bac Pro ne permet pas de passerelle en ce sens, les élèves l’empruntant se retrouvant en échec. Aussi, la généralisation du Bac Pro 3 ans pousse certains élèves à se réorienter de la 2nde professionnelle vers une formation de CAP. Cette situation illustre l’incohérence de la réforme du lycée professionnel.

    Des passerelles, accompagnées par la mise en place de modules spécifiques d’adaptation, doivent être envisagées en Bac Pro pour les élèves issus de CAP, comme en BTS pour les élèves issus de Bac Pro. En amont, des modules complémentaires pour les poursuites d’études après le CAP et le Bac Pro doivent être mis en œuvre. 

    Enfin, nous pensons qu’il faut permettre à tous les élèves qui le souhaitent d’entrer dans l’enseignement professionnel en prenant en compte leurs parcours antérieurs et en s’adaptant à leur besoins individuels de formation, que ce soit en CAP, BEP ou Bac Pro, ce qui ne peut se faire sans augmentation des moyens. 

    Le SNUEP-FSU revendique le rétablissement d’une passerelle spécialement aménagée (cycle de 1 an, avec un horaire aménagé, dans une classe dédiée) entre la voie professionnelle et les voies générale et technologique.  

     II.3.2.5. Orientation 

    L’orientation ne doit pas être une gestion des flux d’élèves en fonction des contraintes économiques. Ceci suppose que les élèves puissent effectivement faire valoir leurs choix, disposent de moyens de soutien ou de rattrapage leur permettant de mener à bien leurs projets, tout en bénéficiant d’une offre de formation diversifiée, suffisamment proche de leur domicile afin de faciliter les passerelles et les réorientations. 

    Le SNUEP-FSU revendique l’abandon des procédures d’orientation informatisées afin que la motivation et les appréciations sur les élèves soient réellement prises en compte dans l’affectation. 

    Le SNUEP-FSU demande les moyens nécessaires pour mieux répondre aux vœux d’orientation des élèves vers l’enseignement professionnel et assurer une meilleure prise en charge des difficultés scolaires.

    Concernant l’orientation en CAP, le SNUEP-FSU dénonce l’affectation des élèves sur des pôles de qualification. Cette méthode d’affectation n’apporte que dégradation des conditions d’études et un accroissement de la frustration des jeunes.

    Dans le même cadre, le SNUEP-FSU refuse les affectations sur des 2ndes professionnelles indifférenciées, où les élèves ne bénéficient plus de l’ensemble des heures de formation nécessaires à l’obtention du diplôme.

    Pour le SNUEP-FSU, l’affectation dans la voie professionnelle doit se faire sur une formation préparant à un diplôme clairement identifié.

     

     

     III. LUTTER CONTRE TOUTES LES INÉGALITÉS ?

    III.1. Des enjeux de fond

    Depuis 1980, les études quantitatives révèlent que chaque population scolarisée étudie plus longtemps, acquiert plus de connaissances, et obtient plus de diplômes. Toutefois, massification scolaire ne signifie pas démocratisation qualitative. Enfants de riches et enfants de pauvres accèdent à l’école par la même porte d’entrée mais ils n’en sortent pas avec les mêmes chances : les élèves qui « décrochent » du système scolaire sont davantage issus des milieux populaires, peu d’élèves de classes défavorisées poursuivent des études supérieures en grandes écoles, les enfants de milieux pauvres se trouvent majoritairement en LP. Le niveau du diplôme à la sortie du système éducatif est donc toujours fortement lié à la position sociale des parents. La sélection sociale s’est en fait déplacée, elle ne s’opère plus à l’entrée de l’école mais à l’intérieur même de l’institution. L’école favorise la réussite des enfants des catégories sociales favorisées sans qu’on lui donne les moyens de lutter contre l’échec scolaire, le plus souvent corrélé à l’origine sociale. Alors que la politique d’éducation prioritaire des années 80 visait à « donner plus à ceux qui ont moins », aujourd’hui, les politiques éducatives menées stigmatisent les élèves issus des « quartiers » en ghettoïsant leurs établissements (RAR, CLAIR) et en les évinçant du cursus scolaire classique. L’école s’est ainsi transformée en une « machine » à trier les élèves. Lorsque l’on analyse les études sur les parcours scolaires des jeunes, les supposés choix d’orientation sont prévisibles, voire prédéterminés pour bon nombre d’entre eux. L’école n’est pas une sphère étanche aux difficultés sociales qui règnent à l’extérieur.

     III.1.1. Enseignement professionnel et genre  

    L’enseignement professionnel a participé activement à la massification scolaire. Cependant, les élèves relevant de cette voie sont toujours, et encore, issus des milieux les plus défavorisés. Néanmoins, comme souligné précédemment, l’école n’étant pas étanche aux problèmes socio-économiques de la société, on ne peut pas valoriser une formation sans revaloriser les métiers auxquels elle prépare. De surcroît, les accès à la culture, au travail, au savoir-être, étant de plus en plus pensés comme des pré-acquis au système scolaire, l’orientation scolaire restera « tronquée » dans la mesure où l’origine sociale des élèves sera prépondérante dans la détermination du choix entre les 3 voies de formation.  

    Il en est de même concernant l’orientation sexuée. Les filles constituent environ 46 % des élèves accueillis dans les LP. Elles représentent cependant 70 % des effectifs dans les filières du service et sont beaucoup moins présentes dans les filières de production (13 %). Cette forte proportion de filles dans les filières du tertiaire est en cohérence avec la répartition sexuée des métiers de ce secteur qui emploie aujourd’hui 85 % de femmes. Alors que les discours politiques et les médias montrent de plus en plus d’hommes dans des métiers présumés de femmes (hommes sages-femmes, infirmiers, hommes secrétaires), la réalité professionnelle et scolaire est autre ; la féminisation du tertiaire est toujours d’actualité. En constatant que les filles constituent plus de 90 % des effectifs dans les filières secrétariat bureautique, spécialités sanitaires et sociales, travail social, et coiffure esthétique, on peut volontiers supposer que ce phénomène persistera sûrement pour les prochaines générations ces élèves constituant le principal vivier des futurs recrutements peu qualifiés de ce secteur. Et aujourd’hui, l’enseignement professionnel ne parvient pas à provoquer une rupture dans ces déséquilibres.

    Si l’on examine maintenant les filières de production, une dynamique identique, voire plus marquée, s’observe. Sur toutes les spécialités de formations proposées, les filles représentent seulement 13 % des effectifs et la moitié des formations sont constituées à 90 % et plus de garçons. Ces taux sont significatifs car ils sont représentatifs des orientations d’environ 500 000 élèves chaque année. Ces données confirment que la démocratisation de la scolarisation des filles et l’entrée massive des femmes sur le marché du travail n’ont que très imparfaitement modifié les tendances anciennes de la division sexuelle du travail. Les orientations très différenciées et sexuellement fortement marquées au sein des filières professionnelles laissent penser qu’à cet égard une constante est maintenue dans la société. En effet, en ce qui concerne les emplois les moins qualifiés du tertiaire et de l’industrie, cette forme ancienne de division sexuelle du travail semble persister au-delà et malgré les transformations politiques et sociales de nos sociétés contemporaines. Ces analyses infirmeraient aussi cette tendance, souvent évoquée comme acquise ou presque, d’une harmonie des comportements professionnels. Les femmes au XXIème siècle sont certes autorisées à devenir chirurgienne, garagiste, ou couvreuse, les hommes peuvent investir les métiers de « sage-homme » ou de secrétaire, mais il semble qu’être autorisé-e n’ait pas suffit à instaurer une réelle mixité dans les métiers et dans les formations. Dans un contexte de reculs sociaux, les catégories les plus exploitées et discriminées payent le plus lourd tribut.

     III.1.2. Elèves en difficulté d’accord, mais quelles difficultés ? La notion d’échec scolaire

    Aujourd’hui, pléthore de discours sur le thème de l’échec scolaire pénètrent les débats politiques et médiatiques. Les difficultés d’apprentissage, le redoublement, l’absentéisme sont arborés comme étant une préoccupation centrale des politiques éducatives nationales. Cependant, les études récentes sur ce sujet dévoilent qu’un élève est pensé comme « élève en difficulté scolaire » dès lors que des conflits ouverts au sein de l’établissement apparaissent (majoritairement au collège et LP). Or, si ces signes visibles sont significatifs, ils ne sont, en réalité, que l’aboutissement d’un processus qui s’est édifié tout au long du cursus scolaire. Dans le système scolaire, les différences de milieux sociaux influent fortement sur les apprentissages et sur l’accès aux diplômes ; ces inégalités sociales impliquent de fait des inégalités scolaires qui s’installent très rapidement. Les élèves issus des milieux populaires sont significativement les plus touchés.

    Le déterminisme social est donc bien toujours d’actualité dans le système éducatif. En effet, les modèles, les valeurs et les attendus des enseignant-es en termes de comportements et de postures intellectuelles sont souvent éloignés de ceux en vigueur dans les familles de milieux populaires. Et cette dichotomie favorise les nombreuses et différentes attitudes de résistance de la part des élèves issus de ces milieux. Les règles propres à l’école et la conformité souhaitée par l’institution n’ont rien d’évident pour eux.

    Si une meilleure compréhension des difficultés des élèves est nécessaire pour mieux appréhender son enseignement, il s’avère que les enseignants sont souvent très seuls et démunis face aux multiples attitudes de refus d’apprendre des élèves. De surcroît, le système tend à les culpabiliser en les rendant responsables non seulement de l’échec scolaire mais aussi du manque de motivation. Or, comme nous l’avons évoqué, le manque de motivation, les difficultés d’apprentissage, et les comportements pensés comme déviants des élèves ne sont jamais mono-causaux. Ils découlent d’un processus complexe autant imputable aux difficultés sociales et psychologiques des familles, qu’au manque de formation des enseignants, qu’à une société qui valorise la compétition entre élèves et entre établissements.

    L’école, même lorsqu’elle a introduit la notion de mérite, n’a pas réussi à niveler sur le plan scolaire les inégalités sociales. Aujourd’hui, en l'absence d'une politique plus ambitieuse pour l'éducation et alors que l’on assiste à une crise économique et politique qui génère de fortes dégradations des conditions matérielles d’existence, l’école et l’enseignement professionnel ne sont que des institutions de reproduction sociale.

     III.2. Des politiques éducatives libérales actuelles qui accentuent les inégalités

     III.2.1. Autonomie des établissements et concurrence entre les établissements  

    Dans un contexte de dégradations des conditions de travail des enseignants et de la scolarisation des élèves, le gouvernement publie chaque année de nouveaux « palmarès » d’établissements. Ces palmarès participent à accroître l’inquiétude grandissante des familles quant à leur responsabilité sur le choix d’un supposé « bon » établissement. De plus, les moyens financiers attribués aux établissements pourraient dépendre de ce classement. Enfin, Les contrats d’objectifs, basés sur des critères de « réussites » et financiers, développent la concurrence entre établissements et introduisent l’individualisme dans les équipes enseignantes. Cette concurrence a envahi insidieusement l’École, mettant ainsi à mal ses objectifs démocratiques. Pourtant, la concurrence n’a jamais favorisé l’élévation du niveau scolaire. Au contraire, les études le démontrent, la concurrence entre établissements aggrave les écarts de réussite entre les populations, tout en tirant vers le bas les performances scolaires moyennes. En s’appuyant sur des projets pédagogiques, sur le projet d’établissement, en influant sur la structure, la hiérarchie des lycées cherche alors à recruter les « bons élèves », pour afficher de meilleurs résultats et en pensant enclencher un cercle vertueux, mais ce faisant, elle accentue les inégalités entre établissements et s’éloigne de la fonction d’enseignement et d’éducation pour toutes et tous. La suppression de la carte scolaire et les coupes sombres imposées dans la carte des formations accentuent largement ce phénomène 

     III.2.2. Violence dans la sphère scolaire

    Le discours ministériel relatif à la violence dans la sphère scolaire occulte systématiquement et délibérément le débat sur les causes socio-économiques et psychologiques à l’origine de celle-ci. Rappelons que les thèses matérialistes de la fin du XXème siècle avaient déjà révélé que des conditions précaires d’apprentissage (manque de nourriture, pas d’endroit pour étudier à la maison, travaux domestiques multiples…) nuisent fortement au rapport au savoir des élèves. Une distance entre les attendus des enseignant-es et les travaux des élèves s’installent progressivement impliquant une réelle souffrance au travail pour les deux parties. S’ajoute à cela ce que Bourdieu nomme la violence symbolique de l’institution envers des adolescents en pleine construction. Les élèves de LP sont, dans ce cadre, très exposés à tous les implicites sociaux (pauvreté, échec scolaire….) et les reçoivent comme une véritable violence généralisée. Cependant, on ne peut pas demander aux enseignants de gérer toutes les difficultés des élèves et de pallier les situations générées par la société.

     III.2.3. Accompagnement personnalisé (AP)

    210 heures pour le cycle de 3 ans, équivalentes à environ 2h30 hebdomadaires d’AP sont allouées, selon les termes même du décret d’application, pour soutenir et aider les élèves dans leur projet, pour consolider leurs connaissances tout en palliant leurs difficultés. Les difficultés rencontrées par les élèves ont des causes multiples (notamment d’ordre socio-économique et culturel) et stigmatiser et individualiser l’élève en « échec » ne permet en rien de résoudre ses difficultés. Les modalités d’application de ce nouveau temps d’apprentissage sont plus qu’évasives. Les modalités d’application de ce nouveau temps d’apprentissage sont très évasives. Cette absence de réflexion institutionnelle en amont revient à déléguer insidieusement la responsabilité de l’échec scolaire des élèves aux seul-es enseignant-es. De surcroît, les heures octroyées pour quelques-uns ont été rognées sur des heures disciplinaires pour tous et toutes. Dans la réalité du terrain, les directions d’établissement utilisent essentiellement ces heures comme moyens d’ajustement de leur DHG, l’intérêt des élèves n’étant pas la motivation première. Pour preuve, cet accompagnement dit « personnalisé » doit bien souvent s’effectuer avec un nombre d’élèves bien supérieur à celui conseillé au départ. Ce genre de dispositif ne peut que nuire à un enseignement disciplinaire de qualité et participe aussi fortement aux dégradations des conditions de travail pour toutes et tous. L’AP est parfois utilisé comme moyen de pression, par les chefs d’établissement qui menacent de non-dédoublement les classes des collègues qui refuseraient d’assurer l’AP en heures supplémentaires. Plus largement, l’AP, tout comme les dispositifs précédents (modules, PPCP, etc.) sous prétexte de subvenir à des besoins que l’administration juge ponctuels, ne compensent pas l’énorme carence de moyens dont souffre l’éducation.

     III.2.4. Le dispositif ÉCLAIR (Écoles Collèges et Lycées Ambition Innovation Réussite) : Le 22 juillet 2010, suite au prétendu débat sur la sécurité à l’École, le ministre a imposé à 105 établissements du 2nd degré ce dispositif expérimental CLAIR (Collège, Lycée Ambition Innovation Réussite) conçu pour remplacer à terme les autres dispositifs de l’éducation prioritaire (ZEP, REP, RAR, zone sensible). En janvier, le gouvernement a élargi son champ d’application au primaire et à tous les RAR. Cependant, les nouveaux ÉCLAIR ne disposent eux d’aucun moyen humain et financier supplémentaire. De surcroît, ce label instaure une catégorie d’établissement de seconde zone où les élèves suivent un cursus qui échappe aux règles nationales, en ne dépendant plus que de l’article 34 de la loi Fillon n°2005-380 permettant toutes les expérimentations… Ainsi, les contenus et horaires disciplinaires, les rythmes scolaires (séances de 45 min, organisation des semaines…) sont différents des autres établissements. Au lieu d’aider les élèves en difficulté, ce dispositif, fondé sur une conception de l’Éducation qui révèle le désengagement de l’État à tendre vers une démocratisation de l’école, accentue les inégalités sociales, culturelles et géographiques.

     III.3. Pour réduire toutes les inégalités, le SNUEP-FSU revendique :

      - L’abandon total du dispositif ÉCLAIR 

    - La suppression des pôles de compétences et de toute labellisation des LP en lycée des métiers qui participent à accentuer les discriminations et les inégalités d’accès à la formation pour les jeunes.

    - Pour pallier les problèmes d’incivilité et de violence à l école, Le SNUEP-FSU revendique un volet important de prévention. Il revendique aussi des équipes pédagogiques et éducatives stables et formées, et surtout pas une gestion autonome des établissements avec pouvoirs renforcés des chefs d’établissement. Le SNUEP-FSU estime que la réponse sécuritaire n’a pas fait ses preuves et que les annonces médiatiques n’y changeront rien. 

    - Le recrutement et la présence dans l’ensemble des LP, LPO, SEP, SEGPA, EREA… d’équipes pluriprofessionnelles renforcées (COP, psychologue, MGI, médecins, assistant-es sociales, infirmier-es, etc.) permettant d’aider réellement et concrètement les jeunes en difficulté, passant notamment par le rétablissement du statut des MI-SE.  

    - L’abrogation de la loi visant à suspendre les allocations familiales aux familles d’élèves absentéistes.

    - La réintégration des heures de l’accompagnement personnalisé (AP) dans les horaires d’enseignement général et le retour à des seuils de dédoublement par discipline. Dans l’immédiat, il demande à ce que l'AP soit recentré sur les missions de l’enseignant-e.  

    - L’abandon des grilles horaires tri-annuelles et le retour à des horaires disciplinaires hebdomadaires (Français, Histoire-géographie, Langues vivantes, Mathématiques, Sciences, Economie-Droit, Éducation civique, Communication, Technique, etc.), garantissant une égalité de formation sur tout le territoire. 

    - La mise en place d’une réelle politique volontariste, pour enrayer les répartitions des rôles masculins-féminins, qui doit s’initier à tous les niveaux de l’enseignement. C’est un enjeu majeur pour limiter les phénomènes de reproduction des rapports sociaux de genre.

    ZOOM

    RYTHMES SCOLAIRES

     

    Une modification des rythmes scolaires des élèves, par conséquent du temps de travail des enseignants, est à l'étude depuis avril 2010. L'argument officiel, utilisé par le gouvernement pour justifier ces changements à venir, consiste à dénoncer des emplois du temps trop chargés et mal répartis pour les élèves ; ce qui implique une fatigue importante qui nuit aux apprentissages. En amont d'une réflexion plus poussée sur les conditions d'apprentissage des élèves, il est nécessaire de rappeler que, dans le même temps où le débat sur les rythmes scolaires émergeait de nouveau dans les médias, une note confidentielle émanant du ministère de l'EN demandait à tous les recteurs des pistes de réflexions pour dénicher les gisements d'emplois à supprimer pour les rentrées scolaires ultérieures.

    Si le SNUEP-FSU considère la réussite de tous les élèves comme un axe prioritaire de sa réflexion, il n'en reste pas moins que cette réflexion ne peut se réduire à la seule question des rythmes scolaires. De surcroît, cette question ne doit en aucun cas être polluée par des intérêts économiques ou par une volonté du gouvernement de réaliser des économies sur le dos du système éducatif et de ses usagers. Pour une analyse plus précise sur ce sujet, la FSU et le SNUEP ont déjà publié plusieurs notes consultables sur www.fsu.fr et www.snuep.com. Ces notes révèlent, entre autres, que la fatigue des élèves est multi-causale et que son origine se trouve généralement dans tous leurs temps sociaux : temps scolaires mais aussi temps de transports, temps de loisirs, temps de travail, temps télévisuel, etc. Elle est aussi imputable à des facteurs « hors temps » comme le bruit, le stress ou encore le manque de confiance...donc agir pour réduire la fatigues des élèves nécessiterait d'agir sur tous ces facteurs.

    Notre congrès doit se doter de mandats concernant ces questions et plus particulièrement sur les spécificités liées à l'enseignement professionnel, notamment les périodes de stages, les périodes de congés, les contenus d'enseignements, la pédagogie, le nombre d'élèves par classes, les conditions de vie scolaire (cantine, internat)...

     

    - La réforme de la voie professionnelle : en sacrifiant une année d’enseignement par le passage du baccalauréat professionnel

    3 ans, c’est une réelle modification des temps scolaires qui s’est opérée au détriment de nos élèves. Le SNUEP-FSU exige l’abrogation du baccalauréat 3 ans et le rétablissement de 4 années de formation réelle pour l’obtention du diplôme.

     

    - Internat : Le lycée des métiers qui « spécialise » les établissements en regroupant les filières professionnelles demande un effort de « mobilité » aux élèves qui, s'ils désirent suivre un cursus scolaire professionnel qui n'existe plus près de chez eux, doivent multiplier les temps et les coûts de transport. Dans ce cadre, le SNUEP-FSU exige d'une part, l'arrêt de la labellisation des lycées des métiers et une offre de formation diversifiée dans tous les Lycées Professionnels. De surcroît, le SNUEP-FSU réclame la possibilité d'inscrire un internat dans tous les LP qui en auraient besoin et la gratuité des transports scolaires.

    Le SNUEP-FSU exige aussi une amélioration des conditions d’accueil et d’hébergement des lycéens ainsi qu’un meilleur taux d’encadrement éducatif dans le cadre du fonctionnement des internats.

     

    - Nombre d'élèves par classe : Nos élèves accumulant de nombreuses difficultés (scolaires, sociales, économiques...), le stress et le bruit étant considérés comme des facteurs aggravant la fatigue des élèves et nuisant aux conditions de travail des personnels, le SNUEP-FSU exige que le nombre d'élèves par classe et par groupe soit limité. Dans ce cadre, le SNUEP-FSU refuse le regroupement de classes (mixité des divisions) organisé par les directions d’établissements pour récupérer des moyens d’enseignement.

    Le SNUEP-FSU revendique que le nombre d'élèves par classe et par groupe soit limité de la façon suivante :

    - SEGPA : 6, 12

    - EREA : 6, 12

    - CAP : 6, 12

    - BEP : 10, 20

    - Bac Pro : 12, 24

    Le premier chiffre indique l’effectif dédoublé dans le cadre d’un retour à des seuils définis par discipline, l’autre indique l’effectif maximum par division, sans préjudice pour les filières faisant l’objet d’une règlementation spéciale pour des questions de sécurité. Les regroupements de filières en enseignement général ne doivent pas servir de prétexte à dépasser ces effectifs.

     

    - Les périodes de stages : la contre- réforme du baccalauréat 3 ans a généré encore plus de temps en entreprise pour nos élèves. Cette évolution n’est pas sans conséquences sur les apprentissages de nos élèves Ces temps en entreprise juxtaposent souvent les vacances scolaires impliquant donc de très longues périodes consécutives hors de l’école. Pourtant de nombreuses études ont révélé l’importance de ne pas casser les rythmes d’apprentissage des élèves par des semaines scolaires trop courtes (4 jours notamment) ou des temps hors apprentissage (comme les vacances hors grandes vacances) trop longs. Une continuité pédagogique est essentielle pour rendre cohérent l’ensemble d’un cursus. Il est par conséquent évident que ces périodes de formation en milieu professionnel, si elles peuvent être parfois bénéfiques pour une approche du monde du travail ou encore pour la mise en œuvre de certaines compétences, contribuent aussi largement au décrochage des élèves vis-à-vis de certains apprentissages scolaires et à leur fatigue. Dans le même temps, le rajeunissement de nos élèves a été inéluctable impliquant un intérêt diminué de ce temps en entreprise pour tous. Le SNUEP-FSU exige par conséquent une diminution significative des PFMP (cf. thème 1 partie 1).

     

    - Les périodes de vacances : Les périodes de vacances « décalées » selon les zones académiques ont été instaurées pour permettre un accroissement de la fréquentation des stations balnéaires et de sport d'hiver sous la pression des lobbies du tourisme au détriment des considérations de rythmes scolaires adéquats et identiques pour tous les élèves sur un même territoire. Le SNUEP-FSU exige qu’en Guadeloupe, Martinique et Guyane, comme dans les autres académies, les dates des vacances scolaires respectent des rythmes équilibrés (7semaines/2 semaines) pour une année scolaire comportant 36 semaines organisée dans le cadre d’un calendrier climatique et ne se calent pas sur des fêtes religieuses quelles qu’elles soient ou sur les pressions des lobbies de l’industrie touristique. De plus, le SNUEP-FSU exige l'abolition des « zonages ».

     

    - Les contenus et les pratiques d'enseignement : réduire l'enseignement professionnel public initial à l'apprentissage d'un métier au travers de l'employabilité rapide des élèves n'est pas recevable. Le rôle premier de l'école consiste en l'appropriation par les élèves des savoirs et des connaissances qui leur permettront d'interroger la société dans laquelle ils évoluent, d'avoir un regard critique sur les choix de cette société et de participer pleinement à son élaboration. Dans ce cadre toutes les disciplines enseignées sont importantes; aucune d'entre elles ne doit exercer une hégémonie quelconque sur une autre. De surcroît, les conditions d'apprentissage d'une culture commune nécessitent d’adapter les horaires et/ou les durées des séances aux besoins pédagogiques et aux besoins des élèves. Il est par conséquent inacceptable, comme cela se passe en Établissements labéllisés ÉCLAIR, de réduire la durée des séances d’enseignement au seul prétexte de récupération de moyens. Augmenter le temps d'apprentissage en variant les modes d'appropriation est nécessaire car c'est sur un temps long que se construisent les acquis. Dans ce cadre des temps en classe entière doivent se poursuivre avec des temps en groupe et en petit groupe où se succèdent des temps de cours, de soutien, d'aide et d'activités.

     

    - Les devoirs scolaires « à la maison » : sont des facteurs qui creusent les inégalités entre élèves. Cette question d'apprentissage des leçons et de réalisation des travaux scolaires en dehors des « cours » doit être prise en charge en grande partie au sein même de l'école. Plutôt que d'allègement des journées d'enseignement et de diminution des horaires disciplinaires réglementaires, c'est plus de temps à l'école dont ont besoin les élèves. C'est donc bien ici la question des moyens qui est aussi posée. Le SNUEP-FSU demande une réelle augmentation du nombre de postes statutaires d’adultes intervenant dans l’encadrement des élèves et une véritable réflexion sur les pratiques, la pédagogie et les contenus d'enseignement.

     


     IV. QUELLE ÉDUCATION ET FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE ?

     IV.1. Un enjeu majeur pour l’ensemble des salarié-es  

     La question de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie (FPTLV) est présentée comme une question cruciale et un enjeu majeur pour l’ensemble des salarié-es. Elle devrait être un levier essentiel à l’intérieur des entreprises pour permettre aux salarié-es de développer des revendications en termes d’organisation du travail et d’amélioration des conditions de travail dans les entreprises. Elle devrait aussi être au coeur de droits nouveaux permettant une réelle sécurisation des parcours professionnels et permettre une reconnaissance des qualifications acquises par l'expérience. Enfin, elle pourrait permettre une amélioration et un développement de la formation continue de tous les salarié-es englobant un accès à une formation permanente émancipatrice enfin reconnue, notamment au niveau des salaires. Or, la FPTLV, induit par la politique libérale européenne, l’OCDE, l’AGCS, les régions, dans le contexte particulier de la RGPP, du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, le démantèlement du droit du travail et de la précarisation des emplois voulus par le MEDEF, le tout sur fond de crise économique, propose une toute autre vision. Elle bouleverse profondément le paysage de la formation professionnelle initiale et continue. Elle tend à gommer les différences entre formation initiale et formation continue (voire à supprimer la formation professionnelle initiale au profit de la formation continue) et de fait les spécificités de toutes les voies de formation professionnelle. Paradoxalement, le CEREQ a publié une étude dans laquelle il montre que cette formation continue bénéficie davantage aux personnels ayant un haut niveau de qualification initiale.

    Présentée comme la solution pour sécuriser les parcours professionnels des jeunes en formation et des salarié-es, on peut légitimement se demander dans ce contexte si la FPTLV se préoccupe réellement de la possibilité d’évolution des salarié-es dans leur parcours professionnel ou du seul gain de productivité des entreprises. De plus, l’argent de la formation professionnelle et de l’apprentissage constitue une manne de plus de 29 milliards d’euros par an ; ce gâteau suscite bien des convoitises et le marché, avide de nouveaux secteurs, s’y intéresse fortement.

    IV.2. Quelle incidence sur les systèmes de formation ?  

    IV.2.1. La conception libérale de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie

    La FPTLV, concept développé par L’OCDE repris avec enthousiasme par la commission européenne et mis en place par les gouvernements nationaux est au cœur de la transformation de notre système éducatif. « L’économie de la connaissance » et l’employabilité sont devenues les piliers de cette transformation. Les régions ont repris à leur compte ce concept. Elles essaient d’adapter le discours européen, cause des réformes en cours dans l’Éducation et la formation professionnelle, en développant l’apprentissage, les lycées des métiers, la VAE ou en créant des services « publics » régionaux de la formation professionnelle qui ne peuvent pas s’affranchir de la mise en concurrence public/privé.

    La question de l’articulation entre les 4 modes de formation (statut scolaire, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation et stages de formation pour les demandeurs d’emploi) est posée par les mêmes responsables politiques qui voudraient exclure du lycée
    20 % d’une tranche d’âge en doublant les contrats d’apprentissage (1,5 million en 2015). Dans une logique de marchandisation croissante de la formation professionnelle voulue par les politiques libérales européennes, mais aussi de réduction massive des fonctionnaires dans le cadre de la RGPP, le but recherché est la mise en concurrence des modes, des voies et des établissements de formation, qui passera par le démantèlement de la voie scolaire et le développement du privé.

    L’ANI du 7 novembre et la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la FPTLV bouleversent le paysage de la formation professionnelle. Ils remplacent le PRDF par le CPRDFP qui devient prescriptif. Il est élaboré et évalué au sein du CCREFP, seule instance compétente. La mise en place du CPRDFP dans les régions impose l’élaboration d’un plan pluriannuel définissant les cartes de formation. On constate un retour en force de l’adéquation formation/ emploi.

    Le lycée des métiers, créé en 2001, de par son cahier des charges, prône le mixage des publics : scolaires, apprentis, adultes en formation continue, au sein d’un même établissement voire d’une même « classe ». C’est l’outil idéal de la mise en place de la FPTLV puisque qu’il prend aussi en charge la VAE (cf. mandat de Granville). Les compétences tendent à remplacer les diplômes et les voies de formation perdent leurs spécificités, toujours au détriment des formations sous statut scolaire.

     IV.2.2. Quelle protection face au marché ? 

    IV.2.2.1. SSIG (service social d’intérêt général)  

    Des régions ont créé des services publics régionaux de formation professionnelle en tentant de protéger la formation continue par les SSIG issus de la commission européenne. Or le gouvernement actuel a choisi de supprimer cette disposition, préférant que ces actions de formation soient soumises à des appels d’offres et que la règle de la concurrence s’y applique pleinement. Le marché prime sur le social. Les SSIG semblent avoir été créés par la commission européenne pour rassurer les usagers des services publics mais dans les faits on constate qu’ils ne protègent pas ces derniers.

     IV.2.2.2. Service public, missions de service public et PPP

    Le service public est assuré par des agents fonctionnaires dont le statut assure une indépendance de leurs missions face aux pressions de la hiérarchie. Les politiques libérales ont pour objectif de remplacer les services publics par des opérateurs privés en leur confiant les missions de service public. Qui dit entreprise privé, dit priorité au profit au détriment des services rendus aux usagers.

    Le partenariat public privé (PPP) en est une belle illustration : Il pose la question du financement des équipements collectifs et structurants des territoires dans un contexte social où la crise continue à faire des dégâts, et où il est impossible de faire porter, une nouvelle fois, ces charges aux familles ! La mise en place des PPP s’inscrit dans un vaste mouvement de privatisation de l’action publique. Le recours à ce type de financement est très large : autoroutes, hôpitaux, prisons, universités, stades, écoles…et l’on peut d’ores et déjà en évaluer les conséquences : augmentation des tarifs pour les usagers, « rationalisation du personnel », baisse de la qualité du service rendu car l’intérêt général doit laisser place à la rentabilité financière, privatisation des services publics…. 

    Si les banques sont intéressées par ces nouveaux montages, c’est que les profits sont évidemment plus grands. La charge n’en sera que plus forte pour les finances des collectivités et se répercutera indéniablement sur les impôts, avec une pression supplémentaire sur les dépenses de fonctionnement (le PPP s’inscrivant en dépense de fonctionnement), et mettant ainsi en péril les actions de service public ! Avec les PPP, il s’agit de payer un loyer aux banques, à un taux supérieur aux emprunts bancaires pratiqués pour les collectivités locales.

    La collectivité devra s’acquitter d’un loyer pendant 25 ans par exemple avant d’en devenir propriétaire. Il s’agit donc d’un emprunt déguisé. Le problème tient notamment au fait qu’à la différence d’un emprunt classique qui se négocie autour de 2 %, on estime à 9 % le coût du remboursement des établissements issus d’un PPP. Certaines collectivités se trouvent donc dans une situation comparable à celle de la Grèce. Trop endettées pour emprunter à bas prix, elle deviennent la proie de prêteurs ou plutôt de prédateurs qui entendent profiter de ses difficultés pour augmenter leurs profits. 

    De plus, dans le cas d’un lycée, le groupe qui remporte le marché assure le financement, la construction et l’entretien pendant la durée du contrat. Les postes de TOS sont supprimés au profit du privé ! 

    Le rapport 2008 de la Cour des Comptes critique fortement le système PPP, Philippe SEGUIN dénonçait ce « qui consiste à aller chercher des tiers financeurs et à bâtir des usines à gaz en oubliant que celui qui emprunte pour le compte de l’État le fait à un coût plus élevé…l’argument selon lequel ces montages allègent la dette publique au regard des critères de Maastricht est fallacieux… » 

      IV.2.3. Quel devenir pour les GRETA ?

    Un groupe de travail du ministère sur les GRETA de mai 2010 préconisait leur transformation en GIP. La proposition de loi Warsmann est actuellement en examen au Sénat et devrait être votée de façon définitive avant la fin de l’année civile. Un « GIPGRETA » aurait l’identité d’un GRETA tout en ayant la structure juridique d’un GIP. Cela les doterait d’une personnalité juridique propre pour la structure FCA-FPC afin de mobiliser dans le cadre concurrentiel du marché les potentiels de l’EN, personnels et infrastructures. Les modalités de décision, de fonctionnement et d’organisation de cette structure peuvent relever d’une conception capitalistique du Conseil d’Administration (un membre du CA a une part et pas une voix), comme dans n’importe quelle entreprise. Il n’est retenu sur le fond que le concept de mission de service public pour mieux évincer toute référence aux services publics, de façon à « dégraisser » ou faire disparaître sans trop d’éclat ces derniers en faveur de la sous-traitance et de la délégation de service public à des entreprises privées. « On » mettrait donc en place un dispositif permettant une gestion privatisée et concurrentielle d’une partie croissante des moyens du service public de l’EN avec des gestionnaires, qui sur le fond n’auraient plus de compte à rendre aux dépositaires de la puissance publique, mais seulement aux membres du CA (et/ou de l’AG ?) C’est un partenariat public-privé permettant d’abord au privé d’utiliser les moyens actuels du service public en fonction de ses intérêts (éventuellement concurrentiels, contradictoires, à court terme…) et laissant le résiduel à l’intérêt général et collectif. A partir du moment où on accepte tous ces éléments, on accepte la séparation totale de la gestion des moyens de la FCA du service public de l’EN, en contradiction totale avec un de nos principes.

     IV.2.4. Quelle incidence sur les diplômes ? 

    Il ne s’agit plus de reconnaître les qualités du salarié par les diplômes obtenus mais par les compétences qu’il pourrait mettre au service de l’entreprise. C’est une vaste opération de dévalorisation, voire de destruction des diplômes et niveaux de qualification : les formations BEP ont été supprimées. Le niveau V n’est plus qu’une « certification intermédiaire », empilement de compétences plus ou moins validées dans le cadre d’un CCF. Le Bac Pro prend le même chemin. C’est la réalisation d’un vieux rêve du patronat : à l’école, le socle commun de connaissances et les savoir être, à l’entreprise les savoir-faire professionnels reconnus sous forme de compétences locales et non de diplômes nationaux. C’est la fin programmée de l’enseignement professionnel public sous statut scolaire. C’est également la fin de l’indexation des salaires par les diplômes dans les conventions collectives. 

     IV.2.5. Loi du 24/11 / 2009 : Vers une énième relance de l’alternance sous statut salarié !  

    Nicolas Sarkozy, qui voudrait voir une baisse durable du chômage s'amorcer en 2011, avant l'élection présidentielle de 2012, a réaffirmé son objectif de porter le nombre de jeunes formés en alternance de 600 000 à un million (apprentissage et contrats de professionnalisation). Pour cela il s’appuie sur la loi du 29 novembre 2009 qui renforce l’utilisation des contrats d’alternance à destination des jeunes. 

    Les apprentis dont le contrat a été rompu sans qu’ils en soient à l’initiative, pourront poursuivre leur formation dans leur CFA, sous statut de stagiaire de la formation professionnelle pour une durée de trois mois maximum. De même les jeunes n’ayant pu conclure de contrat d’apprentissage faute d’employeur, pourront entamer leur formation pendant 2 mois dans les CFA volontaires. Les contrats de professionnalisation sont étendus aux jeunes à partir de 16 ans.

    Le produit de la contribution supplémentaire de la taxe d'apprentissage versée par les entreprises de plus de 250 salariés qui ne respectent pas le quota de 3 % (qui pourrait être porté à 4 % pour l’ensemble des entreprises) de jeunes en alternance dans leurs effectifs est affecté au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA).

    Enfin, le gouvernement relance le préapprentissage avec la possibilité pour les CFA d’accueillir pour une durée maximum d’un an les jeunes de plus de 15 ans pour suivre, sous statut scolaire, une formation en alternance destinée à découvrir un environnement professionnel correspondant à un projet d’entrée en apprentissage : nouveau dispositif DIMA qui est maintenant inscrit dans le Code de l’éducation. Encore une nouvelle relance en faveur de l’apprentissage, alors que cette voie de formation coûte 26 % plus cher que la voie scolaire ! 

    Pour imposer cette relance aux entreprises, il leur imposerait un quota d’apprentis (4 % des salariés) et un système de bonus-malus lié à cet objectif. Afin de financer en partie cette relance, la majorité envisage de réformer la taxe d’apprentissage en diminuant significativement entre autres la part allouée aux formations professionnelles initiales sous statut scolaire. Notons que l’ensemble de ces mesures n’augmentent pas la contribution de l’État à ces formations, les Régions et les partenaires sociaux, très critiques sur ces projets, ne sont pas dupes… 

    Derrière un discours fallacieux sur le chômage et le problème de l’insertion professionnelle des jeunes, le gouvernement tente une fois de plus d’imposer les formations en apprentissage au détriment du service public de la formation professionnelle initiale sous statut scolaire. Les dernières études du CEREQ ont pourtant montré qu’il n’y avait pas d’adéquation directe entre mode de formation (scolaire, apprentissage, contrat pro,…) et insertion professionnelle des jeunes. Cette étude remet aussi en question l’idée préconçue qu’il existerait une « génération sacrifiée » montrant que pour une grande partie de la jeunesse, il n’y avait pas de problème d’insertion. L’apprentissage n’est donc absolument pas une solution miracle au chômage des jeunes : la solution de fond réside en un véritable traitement du chômage dans sa globalité. 

    Le SNUEP-FSU condamne cette nouvelle tentative de relance de l’apprentissage au niveau V et IV et s’opposera à toute réforme de la taxe d’apprentissage qui va appauvrir voire tarir le financement des formations publiques sous statut scolaire. Depuis 2005 la part du quota (exclusivement réservée à l’apprentissage) est passée de 40 à 52 % ! Le SNUEP-FSU exige que la taxe d’apprentissage soit également répartie par péréquation entre voie scolaire et apprentissage au prorata du nombre de jeunes formés. Le SNUEP-FSU considère que ce n’est pas l’apprentissage qui peut répondre au problème des sorties sans qualification des jeunes et réaffirme le rôle central du service public de l’éducation dans la réussite de tous les jeunes. 

     IV.3. Pour une Éducation et une formation tout au long de la vie 

     Le SNUEP-FSU dénonce les dérives du système actuel qui tend à augmenter les inégalités des jeunes et des salariés devant la formation. Il réaffirme qu’une formation continue est d’autant plus profitable pour le salarié que les bases qu’il a acquises en enseignement général et professionnel théorique sont importantes. Cela passe donc par un enseignement scolaire déconnecté des logiques de rentabilité liées aux formations en alternance sous statut salarié. Ce système montre d’ailleurs clairement ses limites en période de crise économique, puisque sans emploi, plus de formation initiale possible !

    Le SNUEP-FSU est attaché à promouvoir l’Éducation et la Formation tout au long de la vie. Ancrée sur une formation initiale solide s’appuyant sur les 3 voies de formation, générale, technologique et professionnelle, elle se poursuit par une formation continue comprenant la formation permanente, c’est-à-dire qui ne se limite pas à la formation professionnelle et surtout pas à l’adaptation au poste de travail (qui, elle, doit être assurée par l'employeur). 

    Toute action de formation continue, visant une augmentation de qualification par obtention d’un diplôme, doit pouvoir se traduire par une augmentation de salaire. Par ailleurs, elle doit échapper à toute logique marchande et dans ce cadre, l’éducation nationale doit contribuer au développement du service public de la formation continue.

    Le SNUEP-FSU refuse la transformation des GRETA en GIP et revendique pour eux le statut d’EPL (établissement public local), une structure qui offre de meilleures garanties : les GRETA restant ainsi des structures de l’Éducation nationale et leurs personnels restant, en conséquence, agents publics, titulaires ou contractuels, de l’Éducation.

    Le SNUEP-FSU réclame un véritable service public de la formation continue sous contrôle de l’État.

    L’EFTLV doit conserver les spécificités de la formation initiale et de la formation continue.

    Le SNUEP-FSU exige que les services publics d’enseignement et de formation professionnelle soient soustraits de la concurrence. Le SNUEP-FSU restera vigilant dans ce domaine : les SSIG* n’ont pas fait la preuve de leur efficacité en matière de sauvegarde des services publics de la formation ; en effet, ils n’empêchent pas la délégation de service public de la formation professionnelle par des opérateurs privés. Ils n’évitent pas la mise en concurrence entre public et privé et ne garantissent pas la sauvegarde des opérateurs publics tels que le GRETA* ou l’AFPA*. La FTLV, dans le cadre des politiques européennes, risque de provoquer le transfert des missions de l’État en matière de formation professionnelle initiale vers les régions et à terme de faire basculer entièrement la formation professionnelle au niveau des régions (initiale et continue).  

    Le SNUEP-FSU demande à la FSU qu'elle soit force de proposition, au sein de la CSE, afin que les SSIG assurent pleinement leur rôle de sauvegarde des services publics d'éducation et de formation. Il réaffirme dans ce cadre, son refus de tout partenariat public-privé. 

    Des représentant-es SNUEP-FSU doivent investir les CCREFP et les groupes de travail associés. 

     

    V. UNE FORMATION DES ENSEIGNANTS AU COEUR DE LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES

    V.1. Des enjeux de la formation des enseignants

    Le SNUEP-FSU considère que le recrutement et la formation des enseignant-es est l’un des leviers pour transformer le LP en lycée de la réussite. L’amélioration de la formation initiale et continue des PLP est une nécessité. L’EP a besoin de professeurs hautement qualifiés pouvant intervenir du CAP à la licence professionnelle. La formation des PLP doit être améliorée aussi bien au niveau disciplinaire qu’au niveau de la préparation au métier d’enseignant, pour répondre à l'objectif d'une vraie démocratisation du lycée à laquelle l’enseignement professionnel doit continuer à participer activement. Cette formation doit permettre aux enseignant-es d’assurer pleinement leurs missions parmi lesquelles celle de faire réussir les jeunes qui ont le plus de difficultés à entrer dans les apprentissages, en appliquant notamment une pédagogie adaptée. Cela passe forcément par une augmentation du niveau de qualification des enseignants, qui doit être reconnue par la délivrance du Master. L’autre enjeu de la formation des enseignants est de maintenir les différents corps au même niveau de qualification tout en maintenant leurs spécificités. Ce mandat FSU se heurte à la volonté du MEN de réduire le nombre de corps dans la fonction publique (RGPP), ainsi qu’à celle des régions qui lorgnent volontiers vers le potentiel de formation et de formateurs que constituent les PLP.

     V.2. Une politique néfaste 

    V.2.1. Une réforme avant tout dictée par les contraintes d’économie budgétaire

    La réforme dite de la « masterisation » de la formation des enseignant-es est avant tout dictée par la réduction des coûts de formation pour le MEN : les 16 000 postes supprimés du budget 2010. Les stagiaires sont désormais en situation sur 18 h, au détriment de la qualité de la formation et du nombre de postes disponibles pour les titulaires. Le personnel des IUFM a rejoint massivement les UFR et manque cruellement à la formation initiale comme continue des enseignants. En cette rentrée 2010, on peut déjà voir les effets néfastes de cette réforme. Le gouvernement n’a jamais voulu traiter l’EP de manière spécifique, malgré les demandes réitérées du SNUEP-FSU. L’intégration des IUFM dans les universités et l’adossement des formations aux UFR (Unités de Formation et de Recherche) constituaient des obstacles à la formation des PLP. Et comme le craignait le SNUEP-FSU, aucun master spécifique pour les PLP n’a été créé. Or une bonne partie de la formation a été transférée dans la partie professionnelle de ces masters. II ne reste plus ici ou là que quelques heures complémentaires dans les IUFM pour assurer certaines préparations aux concours. Les autres préparations et formations sont assurées par les rectorats et les inspections correspondant aux disciplines … quand ils en ont les moyens ! C’est la porte ouverte à des préparations aux concours organisées par le privé. Certes, tout n’était pas parfait dans la formation des PLP les années antérieures, mais les conditions d’entrée dans le métier se sont sérieusement dégradées.

     V.2.2. La préprofessionnalisation

    En amont de cette formation, la préprofessionnalisation n’est pas suffisamment développée ; et toujours dans un unique souci d’économie, les cycles préparatoires, externes comme internes, ont disparu progressivement. C’était pourtant une manière intéressante de compenser l’absence de diplômes dans certaines disciplines professionnelles. Les contenus de concours eux-mêmes sont sensiblement modifiés : l’introduction dans l’épreuve sur dossier d’un questionnement sur le système éducatif et le comportement éthique et responsable du fonctionnaire est caractéristique, ainsi que la tendance à plus évaluer la forme que le fond en privilégiant la démarche (méthode d’investigation) par rapport aux contenus disciplinaires. C’est ce que l’on retrouve dans les référentiels d’examens, de moins en moins exigeants en termes de contenus disciplinaires.

     V.2.3. Une entrée dans le métier qui se dégrade fortement

    Les conditions de travail des stagiaires se sont considérablement détériorées. Les stagiaires sont toujours utilisés comme moyens d’enseignement, mais sur un service atteignant souvent 18 h. Ils doivent en plus suivre des formations IUFM et rectorales, tout en observant le tuteur, le compagnonnage devenant un mode de formation. Le tuteur est également mis dans des conditions de travail inacceptables. On lui impose des heures supplémentaires ou on met un remplaçant, voire plusieurs remplaçants, sur ses classes. Ses responsabilités sont accrues par rapport au stagiaire et à l’institution sans lui donner les moyens de les assumer pleinement.

     V.3. Une véritable formation des PLP

    La formation des PLP passe par une formation initiale solide et doit se prolonger par une formation continue tout au long de la carrière sur le temps de travail. La formation continue des enseignant-e-s est un droit déjà existant auquel depuis longtemps l’État n’attache plus de moyens et ne doit pas se réduire au seul DIF. Le SNUEP-FSU demande également que les non-titulaires bénéficient de la formation continue et du DIF sur le temps de travail (cf mandats de Granville). 

    Devant le danger de la disparition de la formation des PLP, nous devons donner au SNUEP-FSU les orientations pour les années à venir, afin d’éviter le décrochage par rapport aux autres enseignants notamment en matière de rémunération et de conditions de travail. Pour cela et pour garantir un enseignement de qualité aux élèves de l’EP, nous continuons à exiger le retrait de la réforme de la « mastérisation Darcos-Chatel » et l’ensemble des décrets associés.  

    Le SNUEP-FSU constate que la réussite de l’enseignement professionnel public sous statut scolaire a été possible en grande partie grâce à la formation pédagogique spécifique de ses enseignants. Depuis de nombreuses années, cette formation s’est appauvrie avec la disparition des ENNA, s’est fondue dans une formation de plus en plus standardisée des enseignants du second degré dans les IUFM pour maintenant disparaître complètement avec la nouvelle réforme en cours dont nous constatons tous les jours l’inefficacité.

     Le SNUEP-FSU réaffirme son attachement au recrutement par concours nationaux.

    Les contenus des concours doivent être modulés suivant le parcours des candidat-e-s. Cependant, ils doivent garder un niveau élevé dans toutes leurs dimensions et pour toutes les disciplines enseignées. Ils ne doivent pas être dictés par les économies pouvant être réalisées notamment par la diminution du nombre ou du temps des épreuves. 

    Pour répondre à toutes les situations que rencontrent les candidats aux concours CAPLP, ce recrutement doit impérativement maintenir des dispositions spécifiques aux filières ne faisant pas l’objet de formation universitaire. Dans les spécialités pour lesquelles il n’existe pas de diplôme supérieur au niveau IV, le SNUEP FSU revendique la possibilité de se présenter aux concours pour les titulaires d’un CAP, possédant une expérience professionnelle.

    Tous les concours (concours externe, interne, spécifique, professionnel..) doivent être maintenus et ouverts.

    Le SNUEP-FSU revendique la prolongation de la dérogation de titre initialement prévue sur une durée de 5 ans pour le concours interne 

    Le SNUEP-FSU condamne les réductions massives d’emplois de PLP, voire leur disparition dans certaines disciplines et revendique le recrutement de PLP en nombre suffisant au regard des besoins. 

    Il exige le retour et le développement d’allocations et de pré-recrutements (cycles préparatoires) pour garantir aux étudiants le financement de leurs études et, dans toutes les disciplines, un vivier de recrutement au niveau de la licence comme du baccalauréat (façon école normale-IPES)

    Pour le SNUEP-FSU « Enseigner est un métier qui s’apprend ». Cependant, il faut tenir compte des différents parcours des candidat-e-s voulant enseigner en LP. Ainsi, si l’admission peut se situer en M2 pour éviter le décrochage entre les différents corps d’enseignants , on doit envisager différentes voies d’accès au métier en fonction des choix et des parcours des candidat-e-s. 

    Le SNUEP-FSU propose des pré recrutements ainsi que de la préprofessionnalisation au niveau licence ou équivalent pour les étudiants qui se destinent tôt au métier d’enseignant.

    Le SNUEP-FSU revendique que la titularisation comme PLP implique la délivrance d’un master professionnel 2 « profession professeur en LP ». 

    Le SNUEP-FSU exige une réelle formation des PLP, quelles que soient les voies d’accès aux concours. Cette formation doit comporter les dimensions scientifiques et/ou techniques ainsi que didactiques et pédagogiques qui permettent de mieux répondre aux besoins particuliers des élèves reçus en LP, SEP, SEGPA et EREA. Des masters spécifiques en métiers d’enseignant dans la voie professionnelle doivent être créés et leur implantation garantie par une carte nationale des formations. Cette dernière est nécessaire pour la préparation effective à l’ensemble des concours PLP sur l’ensemble du territoire. 

    Le SNUEP-FSU rappelle le rôle essentiel joué par les IUFM dans la formation des PLP. Tout en étant école associée à l’université, ils doivent constituer un élément essentiel du maillage des formations sur le territoire national et permettre le maintien du potentiel des formateurs IUFM. 

    Le SNUEP-FSU refuse par ailleurs l’utilisation d’étudiant-e-s comme moyens de remplacement et notamment au cours de l’année de M2 et s’oppose ainsi à la création de masters en alternance qui placent les étudiants en responsabilité sur des vacations. De plus, cela les mettrait en difficulté pour préparer le master comme le concours.

    Formation des stagiaires :

     Le SNUEP-FSU exige le retrait de la circulaire du 25 février 2010 qui dégrade considérablement les conditions de travail et d’apprentissage des stagiaires tout en créant, dans leur formation, une inégalité territoriale incompatible avec le caractère national du recrutement des professeurs.

    La professionnalisation doit être progressive de L3 à l’année post concours. Elle passe par des stages de découverte, des stages d’observation et de pratiques accompagnées en L3, M1 et M2. Ces stages doivent être préparés et encadrés.

    Cette professionnalisation doit être construite en partie grâce à des allers-retours entre théorie et pratique. Elle induit de fait une entrée progressive dans le métier. Il ne saurait donc être question que le stagiaire soit affecté en responsabilité sur des moyens d’enseignement.

     C’est pourquoi, le SNUEP-FSU revendique :

    - la mise en place d’une réelle formation alternant théorie et pratique d’un an post-concours (professeur stagiaire).

    - Une pratique professionnelle équivalente à un maximum d’un tiers de service effectué sur les heures du conseiller pédagogique afin de permettre une réelle préparation des séquences et une vraie analyse de pratique professionnelle.

    - L’intégration de travaux de recherche en éducation prenant en compte notamment les problématiques spécifiques des métiers des futurs PLP.

    - Le développement de la formation continue, notamment en offrant des compléments de formation en T1 et T2 (avec au minimum 3 heures de décharge de service sur ces deux années).

    - La mise en place de stages en entreprise adaptés aux parcours des futurs enseignants et liés aux formations en milieu professionnel spécifiques à la profession et permettant la maîtrise d'outils pédagogiques.